Administrateur réseau ou prof ?

Publié le 29/03/2020 et écrit par Vincent Finance, dans la catégorie : #réflexions

Cette petite question, en apparence banale, est aujourd'hui ce qui définit une grande partie du chemin que je traverse actuellement. Et ce alors que je termine bientôt mes études dans l'enseignement supérieur.
Cela fait maintenant 4 ans et demi que j'ai choisi la voie littéraire et que je me consacre à mes études de Langue et Culture japonaise à l'université Lyon 3. Un choix un peu hors norme si on y réfléchit bien. Ceux qui me connaissent personnellement (ou bien ceux qui me suivent sur les réseaux sociaux) savent à quel point j'apprécie le monde de l'informatique et tout ce qui touche de près ou de loin aux sciences et à la technologie, ce qui est ironiquement assez éloigné de mon domaine d'études actuel.
J'ai beau aimer la littérature, prendre du temps à apprendre une langue étrangère, chercher à comprendre les différences culturelles entre la France et le Japon, il y a toujours un pan de moi-même qui s'intéresse aux nouvelles technologies et à l'informatique de manière générale et cela sera probablement encore le cas quand j'aurais 30 ans voire 50 ans (soyons fous !).

Face à ce constat un peu étrange, certains m'ont déjà posé cette question : mais pourquoi ne pas choisir l'informatique plutôt que la littérature ?

D'un côté, ils n'ont pas forcément tort : le secteur ne connaît pas vraiment la crise au niveau du taux d'embauche, on cherche partout des techniciens et des administrateurs et le monde de la culture n'est pas forcément le plus rentable d'un point de vue financier.
De l'autre, c'est bien plus compliqué que ça en a l'air et ce choix particulier que j'ai fait il y a 4 ans et demi n'est autre que le reflet d'un constat que j'ai intégré depuis et qui a encore un peu de mal à s'effriter, malgré mes nombreuses tentatives.

C'est pourquoi j'avais envie de vous partager cette réflexion personnelle pour souligner des points qui ne sont pas toujours évidents à noter, même avec l'âge ou une certaine expérience de vie. Et puis, ça me donnera l'occasion de vous faire part de mes réflexions sur le sujet.

Pourquoi choisir la littérature ?

Une question de goût

Une des raisons qui m'a poussé à choisir la littérature comme sujet d'études est que j'aime bien la littérature en règle générale. Quitte à étudier quelque chose pendant 5 ans minimum, autant choisir quelque chose qu'on aime un minimum. Au moins, cela donne toujours un peu d'envie dans les périodes difficiles. En plus, si on fait le choix d'étudier une littérature étrangère comme moi, on en profite aussi pour apprendre une nouvelle culture, une nouvelle histoire et plein d'autres choses.

Ne pas détester sa passion

Certes, il est facile de voir que l'informatique est une grande passion pour moi (il suffit de regarder le thème du blog pour s'en convaincre), mais je n'avais pas envie que celle-ci se retourne contre moi, dans le sens où elle pourrait devenir un éventuel poids. Quand on sait le travail dans ce secteur peut parfois être pénible, on peut comprendre l'origine de cette réflexion (surtout si on travaille dans la partie « Réclamations »).

Un conflit de vieille date

En plus des deux raisons citées ci-dessus, mon choix pour la littérature est en grande partie dû à un conflit qui est arrivé durant mon année de première au lycée, avec ma professeure de physique-chimie. Techniquement, il y a jamais vraiment eu de problèmes directs entre elle et moi, mais il existait à l'époque une sorte de tension durant certains cours. En fait, j'étais du genre à avoir des idées arrêtées sur certaines questions et j'avais beaucoup de mal à me remettre en question, surtout quand j'avais tort. Cela n'aide pas beaucoup quand on choisit la voie scientifique, mais cela passait dans la plupart des cas. Néanmoins, ma professeure de physique-chimie avait également quelques idées un peu fixes sur certains sujets, mais elle avait surtout une mauvaise manie : celle de me pousser hors de mes sentiers battus, de façon un peu crue.
Personnellement, dans ce genre de cas, je pense que la meilleure solution n'est pas de brusquer la personne, mais de lui montrer de manière plus douce que ce qu'elle pense est erroné, surtout lorsque cette personne est jeune, simplement pour éviter le rejet ou le refus catégorique de vous écouter. Pour autant, ce n'est pas la solution qu'elle a choisie pour moi, vu qu'elle a préféré utiliser une méthode un peu plus radicale pour me montrer mes torts. De ce fait, cela m'a brusqué et je n'ai jamais apprécié cette technique, d'autant que d'autres professeurs s'en sortaient très bien, ce qui me semble étonnant même encore aujourd'hui. A cause de cela, j'ai intégré pendant plusieurs années l'idée que la science en général était un milieu un peu réservé et qu'il n'était peut-être pas préférable de choisir cette voie pour mes études. Si à cela vous ajoutez une excellente professeure de français qui vous motive et vous montre plein de choses avec beaucoup d'entrain et de joie, il est facile de comprendre mon revirement soudain pour la littérature.
Quant à la raison de choisir le japonais, la raison vient tout simplement d'une envie de découvrir une autre culture, fortement éloignée de la nôtre et originale en tous points.

Quand la passion reprend le dessus

Un peu de contexte

À la suite de mon retour du Japon et au cours de ma première année de master à l'université de Lyon, j'ai eu envie, contre toute attente, de faire une pause dans mes études littéraires pour me consacrer à autre chose. La routine n'est pas toujours quelque chose de bénéfique et les cours ne sont pas toujours aussi passionnants qu'avant, même si on a quand même envie d'y prendre part. Bizarrement, même si je souhaitais toujours continuer sur la voie littéraire, ma passion pour l'informatique n'a jamais cessé, au point où j'y consacre parfois plus de temps que je ne devrais. Cela posait un petit problème dans mon organisation personnelle.
Du coup, pour y remédier et pour me changer les idées, j'ai choisi de faire une pause et de prendre une année de césure (équivalent d'une année sabbatique) pour travailler dans une entreprise et penser à autre chose.

Une douloureuse contradiction

Pour autant, au fil du temps et grâce à mon travail, j'ai compris un peu tard que j'avais toujours envie d'apprendre (de manière sérieuse, j'entends) un domaine précis en informatique et de m'y mettre sérieusement. Ce que je m'étais mis à penser, c'était que mon choix d'apprendre une langue étrangère n'était peut-être qu'une sorte de refuge temporaire pour penser à autre chose et essayer de tourner une page que je n'ai jamais réussi à tourner jusqu'à présent. De ce constat douloureux est né une contradiction qui me gêne encore maintenant.
La cerise sur le gâteau, c'est que je me disais que la littérature était une nouvelle passion et me donnait tellement envie d'approfondir le sujet que j'avais envie de faire un doctorat et de peut-être même devenir professeur en littérature japonaise. L'idée est louable, le projet ambitieux, mais je dois rester réaliste : je n'ai ni la carrure d'un professeur, ni l'envie de me lancer dans des études aussi longues et aussi épuisantes. Désormais, je peux être en droit de penser que mes études ne valent pas grand-chose et que j'ai sûrement pris une décision peu convenable pour mon futur. L'ironie est désormais complète.

Que faire devant une telle situation ?

Face à un tel constat, je dois bien avouer que je ne possède aucune solution concrète, seulement des incertitudes. Mais n'est-ce pas ce que la vie nous réserve parfois ? Une série d'incertitudes qui semblent être un fardeau ?
Quand on est confronté à ce genre de situations, deux postures sont à adopter : la première est de réfléchir à tout ce que l'on a fait et d'en voir les bénéfices aujourd'hui, la deuxième est de regarder notre situation actuelle et de voir si un éventuel changement est possible.
Dans mon cas, je ne pense pas que mes études littéraires sont un frein. Certes, j'ai « perdu » 4 ans de ma vie à étudier un domaine volontairement différent de ce que j'avais l'habitude de faire, mais cela n'est vrai que si on considère que l'école doit mener nécessairement vers un emploi (ce qui n'est plus vraiment le cas aujourd'hui, surtout avec les problèmes liés à la sélection des étudiants). Pour moi, je trouve qu'apprendre une langue étrangère permet de se libérer de certaines distractions et offre de nouvelles perspectives. C'est un peu le principe de « voir ailleurs si l'herbe est plus verte qu'ici » : tu regardes ailleurs et tu vois que c'est pas forcément mieux et pas forcément pire qu'ailleurs.

Ensuite, il est toujours possible de se reconvertir et de changer de voie, que cela soit par des formations courtes et intensives, ou bien par des voies plus classiques. Je peux ainsi éventuellement choisir d'étudier pendant 2 ans des cours sur l'administration de réseaux et de serveurs, obtenir un diplôme et ensuite travailler dans une société spécialisée (ou même suivre un stage). Les seuls soucis de cette solution ? Le temps et l'argent. Le premier peut se débloquer, le deuxième est toujours un problème, mais un boulot et des économies peuvent aider.
Bien sûr, on pourra toujours me dire que c'est une solution complexe et que je n'aurais pas un poste de rêve, surtout vu ce qu'on arrête pas d'afficher dans les stations de métro de Lyon avec toutes ces pubs d'écoles de commerce et d'ingénieurs. Mais justement, ce n'est pas mon but. Je m'en fiche un peu de tout ça, parce que je ne suis plus du genre à chercher absolument une position confortable ou bien un status social particulier. Je pense qu'on insiste trop sur le fait de devenir quelqu'un de respectable, plutôt que sur le fait d'être quelqu'un tout court.

Quand j'y pense, faire le choix d'étudier le japonais m'a donné l'occasion d'avoir du temps pour moi, d'apprendre de nombreuses choses sur moi-même et sur les autres et surtout, de m'avoir aidé à :

Certes, je pourrais sûrement jamais me permettre d'avoir une grosse voiture ou bien me pavaner avec mes diplômes, mon status et mon respect, mais c'est pas si grave. C'est pas grave de rester parfois dans l'ombre, car on a toujours besoin de personnes derrière les écrans lumineux et bon nombre sont de parfaits inconnus pour nous (qui connaît le nom de toutes les personnes qui travaillent pour nettoyer, construire les bâtiments ou encore maintenir les datacenters en bon état de marche ?).
Et puis bon, j'aime bien les parcours non linéaires, un peu biscornus. C'est plus original et ça a le mérite de montrer qu'il existe toujours des alternatives aux solutions classiques. Pour illustrer ça, je prends souvent l'exemple d'un de mes professeurs d'histoire que j'avais au lycée. Il m'avait dit qu'il avait fait une grande école de commerce et qu'il avait travaillé dans la comptabilité pendant 5 ans environ. Au bout de cette période, il a finalement choisi d'étudier l'histoire via une licence faite par télé-enseignement (équivalent du CNED) avant de passer un concours pour devenir prof. Au final, j'arrive à avoir plus d'admiration pour lui que pour un prof qui fait un parcours classique à base de classe préparatoire et de concours à l'ENS (même si c'est tout à fait respectable, cela va de soi).

Au final, je n'ai pas vraiment de réponse à la question qui commence cet article. Aussi étrange que cela puisse paraître, je pense qu'il vaut mieux parfois attendre un peu pour voir l'évolution de la situation. Pour autant, je sais déjà quel va être mon prochain choix, car au fond, je l'ai toujours su. C'est tout ce qui compte.

Vue rapprochée d'une Trabant dans une rue aux Pays-Bas


Crédits photographiques


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